Henri Etiévant a passé beaucoup de temps sur les planches des scènes françaises après avoir été l'élève au Conservatoire de Paris de maîtres tels que Dupont, Vernon et Delaunay. Engagé d'abord par Antoine au « Théâtre libre », il passe ensuite à l'« Œuvre » et enfin à l'« Odéon » où sont restées célèbres certaines de ses interprétations, par exemple dans « Pour la couronne» ou dans « Louis XVII ». En ce début de siècle, Etiévant paraît sur les scènes de la moitié de l'Europe et, de retour en France après une longue absence, il est engagé par l'« Ambigu comique » où, jouant généralement des rôles de méchants, son engagement dans le personnage est tel que le parterre lui retourne injures et menaces.
Acteur au « jeu sobre et énergique, de belle prestance et de mimique excellente », comme le définissaient les critiques, en 1908, Etiévant est engagé par Pathé dont il est pour cinq ans l'un des plus fidèles acteurs. Dirigé par Zecca, Capellani, Leprince, Morlhon, Denola ou Andréani, son nom revient continuellement au générique de ces films aux métrages courts et aux couleurs splendides obtenues au pochoir qui retracent sur l'écran les œuvres les plus populaires du théâtre et de la littérature de l'époque, de la Porteuse de pain à Resurrection, de Cyrano de Bergerac à Don Quichotte et du Roman d'un jeune homme pauvre aux Misérables, film dans lequel son personnage de Javert est unanimement apprécié par la critique anglaise et américaine.
En 1913, ayant quitté la maison Pathé, Etiévant arrive en Italie avec sa compagne, l'actrice allemande Théa Sandten, engagé pour un an comme metteur en scène par la Milano Film. Dans les établissements de la Bovisa, il réalise six films, tous avec Théa Sandten comme protagoniste, Livio Pavanelli comme partenaire et la mystérieuse Pina Fabbri comme numéro trois incommode. Voici les titres : Il mistero di via Nizza, Il tenore, La vendetta del giusto, I decreti della providenza, L'isola della vendetta et Il rubino del destino. Dans ce dernier, il remplace Augusto Genina qui est tombé malade durant le tournage. Il s'agit d'œuvres qui n'ont guère laissé de traces, maltraitées par la critique et rapidement oubliées.
Après l'Italie, Etiévant et Sandten sont engagés par la Vitascope de Berlin. Dans les établissements de Weissensee, ils tournent cinq films dans les premiers mois de 1914, Pauline, Weib gegen Weib, Die beiden Rivalen, Zweite Tür links et Leiden eines Doppelgängers, qui ne sont pas très différents des films de la Milano Film. Quand la guerre éclate, Etiévant est contraint de retourner dans sa patrie où il est immédiatement mobilisé.
Nous le retrouvons actif au cinéma longtemps après, en 1921, avec Crépuscule d'épouvante, sur un scénario d'un Julien Duvivier très jeune. Les interprètes sont Charles Vanel et Victor Francen que l'on retrouve souvent par la suite dans les films d'Etiévant. Crépuscule d'épouvante est un drame aux tintes sombres, alors que le Cœur de Titi, dans lequel Etiévant se réserve un petit rôle, est une histoire très parisienne, un amour entre un « Gavroche », interprété par le chansonnier Montehus, et une midinette. Pour le compte de la société Ermolieff, seront ensuite réalisées deux séries, toutes deux tirées de romans de Jules Mary, la Fille sauvage et la Pocharde, chacun d'eux d'une douzaine d'épisodes, où parmi les acteurs, la plupart russes, on trouve les noms de Volkoff et de Tourjansky, bien connus comme cinéastes.
Etiévant tourne avec une facilité qui lui vient d'une carrière désormais riche grâce à laquelle, ayant été acteur pendant de longues années, il connaît tous les trucs du métier. En ce qui concerne la réalisation, il peut utiliser ses expériences de différentes écoles, française, italienne, allemande. En 1924, il réalise en même temps deux films, les Cinquante ans de Don Juan et la Nuit de la revanche, contraignant le protagoniste des deux films, Charles Vanel, à se présenter le matin en gandin du dix-huitième siècle et l'après-midi en brutal contrebandier.
En collaboration avec Mario Nalpas, il dirige en 1926 deux films, le premier avec une étoile déchue, Francesca Bertini, dont il cherche en vain à revitaliser le mythe avec une statique Fin de Monte Carlo, et l'autre avec une étoile montante et pleine d'une vitalité pétulante, Joséphine Baker, splendide Sirène des tropiques. Après Fécondité, d'après le roman de Émile Zola avec Diane Karenne sur le retour dans le rôle principal, Etiévant réussit à obtenir, après six ans de luttes avec la censure, le visa pour un film tourné avec Robert Péguy, Kithnou, film qui n'est sans doute jamais sorti sur les écrans.
Avec le parlant, Etiévant se trouve complètement dépassé : il revient devant la caméra, mais il faut prêter beaucoup d'attention pour pouvoir le reconnaître dans les rôles marginaux qu'il occupe dans quelques films des années trente.