Cadet d'une famille pauvre de quatre enfants, Takeshi Kitano commence sa carrière en tant que liftier dans un cabaret de spectacles burlesques. C'est là qu'il remplace au pied levé un des comédiens un soir de spectacle. Beat Takeshi est né. Avec son compère Beat Kiyoshi, il forme le duo Two Beats et se lance à l'assaut de la télévision japonaise en 1980. En duo comme en solo (avec l'émission Oretachi Hyohinzoku, littéralement Nous sommes sauvages et cinglés), Beat Takeshi triomphe tout au long des années 80 avec son goût de la provocation et son irrévérence. Au cnéma, ce goût pour le burlesque et la farce trouve son illustration dans le délirant Getting any ?, qu'il réalise en 1994. Le film n'est distribué qu'en 2001 en France.
Il entame parallèlement une carrière au cinéma, en apparaissant notamment dans Furyo de Nagisa Oshima en 1983. En 1989, Takeshi Kitano se lance dans la réalisation avec le polar Violent Cop. Deux carrières symétriques et deux noms différents pour chacune de ces directions : Beat Takeshi pour l'acteur, Takeshi Kitano pour le réalisateur. Beat Takeshi apparaît dans tous les films de Takeshi Kitano, ainsi que dans Johnny Mnemonic de Robert Longo en 1995, Tokyo Eyes de Jean-Pierre Limosin en 1998, Tabou pour lequel il retrouve Nagisa Oshima en 2000 ou encore Battle royale de Kinji Fukasaku, toujours en 2000. En 2005, il incarne à nouveau un homme violent et charismatique dans un drame signé Yoichi Sai et intitulé Blood and bones : son interprétation couvre 60 années de la vie d'un gangster brutal et solitaire.
Scénariste et acteur principal de ses propres films, Takeshi Kitano le réalisateur se fait connaître par ses polars au style mélancolique et ultra violent bien particulier : Jugatsu (1990), Sonatine (1993) et Aniki, mon frere (2000). Il y compose des personnages mutiques et inquiétants, que son visage à moitié paralysé (à la suite d'un accident de moto en 1994) contribue à rendre plus égnimatiques encore.
Dans cet univers violent, Kitano ménage des plages d'une infinie délicatesse, faisant ainsi se côtoyer le pathétique, la mélancolie et la cruauté la plus extrême. En témoigne Hana-Bi (1997), qui, en plus de lui offrir un Lion d'Or à Venise, l'impose définitivement au plan mondial. Il est également capable de signer des oeuvres débarrassées de toute violence, comme A Scene at the Sea (1992). Il poursuit dans la même veine avec L'Eté de Kikujiro (1999) ou encore le très pictural Dolls inspiré du théâtre de marionnettes japonais bunraku en 2003. La même année, sort Zatoichi, dont l'intrigue se déroule au XIX ème siècle et dans lequel il interprète un excellent samouraï se faisant passer pour aveugle. Un an plus tard il réalise le quasi-autobiographique Takeshis', dans lequel il montre ses multiples facettes en confrontant deux personnages qu'il incarne lui-même, le premier étant le Takeshi Kitano célèbre, public et le deuxième un sosie qui n'arrive pas à exister dans l'ombre de son célèbre clône.
Au risque de dérouter une partie de son public, Kitano poursuit son travail d'introspection en 2007 avec Glory to the Filmmaker !, présenté Hors Compétition à Venise, où il s'imagine réalisateur en quête du film ultime. Bouclant alors une véritable trilogie, il tourne ensuite Achille et la tortue où il raconte la vie d’un peintre sans talent incapable d’exercer son art. Un film qui a une résonance toute particulière pour Kitano puisqu’il est également peintre à ses heures.
En 2010, avec Outrage, il renoue avec les films de gangsters ou de Yakusas. Il y interprète Otomo, un yakusa particulièrement violent chargé, par son parrain, de tuer un rival auquel il avait pourtant juré une fraternité éternelle.