Né dans une famille d'immigrants irlandais, John Ford est le benjamin d'une fratrie de treize enfants. En 1909, son frère aîné Frank Feeney part en Californie et devient l'un des acteurs vedettes de la jeune société de production Universal, pour laquelle il réalise bientôt des "serials", des westerns et des films d'aventure. Il prend alors le pseudonyme de " Francis Ford " en hommage à l'industriel Henry Ford, qui incarne à ses yeux l'idéal du self made man à l'américaine. En 1913, il est rejoint par son jeune frère qui a échoué au concours d'entrée de l'École navale. Le futur John Ford est bientôt engagé sur les tournages de son frère. Tour à tour accessoiriste, acteur, assistant ou encore cascadeur, il se familiarise avec les plateaux de cinéma, avant de passer à la réalisation en 1917, en remplaçant un metteur en scène défaillant, pour les studios Universal, sous le nom de Jack Ford. Son premier film signé John Ford est Hoodman Blind en 1923. C'est l'époque où Hollywood devient le principal centre de production de la toute jeune industrie cinématographique américaine.
John Ford est l'un des plus talentueux artisans de l'âge d'or hollywoodien et reste dans l'imaginaire cinéphilique l'auteur de western par excellence.
Son oeuvre considérable (environ cent trente films) s'étend sur un demi-siècle.
De 1917 à 1920, John Ford réalise une quarantaine de court métrages, presque exclusivement des westerns, créant pour l'acteur Harry Carey la figure récurrente de Cheyenne Harry. Ces films muets établissent la matrice originelle de toute son oeuvre : paysages, personnages, situations, figures iconiques, postures et gestuelle. Avant la fin du cinéma muet, Ford réalise plus de soixante-dix films, tous disparus aujourd'hui, à l'exception de deux long métrages, Pour la sauver (1920) et Cameo Kirby (1923).
Son style s'affirme avec Le Cheval de fer en 1924, une production pharaonique de la Fox sur l'épopée du rail aux États-Unis. Puis Ford réalise en 1925 Trois sublimes canailles, son plus grand succès public de l'époque du muet. À l'occasion du tournage en Allemagne du film Les Quatre fils en 1928, il découvre le cinéma expressionniste allemand. On retrouve un écho de ces inventions visuelles dans la recherche très fine des compositions en noir et blanc de certaines oeuvres postérieures comme Le Mouchard en 1935. Dans ce film ténébreux, réalisé en studio pour la RKO, si loin des grands espaces et du souffle épique de ses débuts, John Ford exprime son attachement à l'Irlande, pays de ses ancêtres, présentée comme une terre de misère et de souffrance. Ce pays revient comme un leit-motiv dans beaucoup de ses films.
Le début des années trente, avec l'avènement du cinéma parlant, ouvre pour John Ford une intense période d'activité. Il travaille avec la plupart des major compagnies, Universal Pictures, RKO, la Fox Film Corporation, puis avec la Twentieth Century-Fox à partir de 1935. C'est au cours de cette décennie que Ford inaugure sa saga sur le Grand Ouest américain avec La Chevauchée fantastique (1938), qui marque sa première collaboration avec un certain John Wayne, jusque là acteur de série B. C'est dans ce film-matricequ'apparaît le décor naturel de Monument Valley, qui deviendra sa marque de fabrique et le lieu emblématique du genre western dont il établit les codes narratifs et les personnages types. Cette époque est aussi marquée par des oeuvres pro-Lincoln comme Je n'ai pas tué Lincoln en 1935.
Néanmoins, John Ford reste un cinéaste éclectique. Il réalise aussi des comédies (Toute la ville en parle en 1934), des reconstitutions historiques (Mary Stuart en 1936), ou des chroniques rurales (Judge Priest en 1934). Il produit des films à tonalité sociale en portant à l'écran en 1939 le roman de John Steinbeck Les Raisins de la colère qui se déroule pendant la crise de 1929 et celui de Richard Llewellyn, Qu'elle était verte ma vallée (1941) sur la vie des mineurs du Pays de Galles à la fin du XIXe siècle. John Ford est alors au faîte de sa gloire, reconnu à la fois du public, de la critique et des professionnels du cinéma.
La Seconde Guerre mondiale lui permet d'affirmer ses sentiments patriotiques et ses convictions antifascistes. Il fonde en 1939 la Naval Field Photographic Unit qui va réaliser des court métrages documentaires sur les opérations militaires de la Marine américaine après 1941. Il perd son oeil gauche au cours du tournage de La Bataille de Midway dans le Pacifique. En 1944, il filme les opérations du débarquement de Normandie, et suit en 1945 l'armée du général George Patton en Allemagne où il filme le procès de Nuremberg. Son unique oeuvre de fiction sur cette guerre sera Les Sacrifiés, avec John Wayne en 1945.
De retour à Hollywood, John Ford tourne en 1946 La Poursuite infernale avec Henry Fonda, un de ses acteurs fétiches qui lui doit ses premiers grands rôles. En 1947, Le Massacre de Fort Apache retrace la défaite du général Custer en 1876 lors de la bataille de Little Big Horn. Ce film qui légitime le combat des Indiens ouvre ce que l'on a parfois appelé le " Cycle de la cavalerie " : de 1948 à 1950, le réalisateur tourne ses westerns les plus classiques : Le Fils du désert, La Charge héroïque, Le Convoi des braves et Rio Grande.
Au début des années 1950, John Ford s'oppose au sénateur McCarthy. Il part en Asie tourner pour la Navy un documentaire pessimiste et désabusé sur la Guerre de Corée, This is Korea ! (1951), à l'opposé du patriotisme affiché de certains cinéastes de l'époque. Puis il tourne en Irlande L'Homme tranquille avec John Wayne, Maureen O'Hara et Victor McLaglen dans les rôles principaux. Le film met en scène un petit groupe humain confronté à une situation dramatique qui va obliger les personnages à sortir de leur indifférence aux autres.
Au début des années 1960, Ford approfondit ses recherches de mise en scène avec Le Sergent noir (1959) et surtout L'Homme qui tua Liberty Valance (1961), film en noir et blanc, à la fois réflexion mélancolique sur le mythe westernien et portrait crépusculaire des États-Unis. Ce film majeur est l'ébauche d'un testament, parachevé avec Les CheyennesFrontière chinoise, huis-clos féminin, sera son dernier film en 1965. En effet, Ford tombe malade sur le tournage du film suivant, Le Jeune Cassidy, qui sera terminé par le réalisateur britannique Jack Cardiff.
John Ford s'engage une dernière fois auprès de l'Armée au moment de la Guerre du Viêt Nam, où il se rend en 1967 et 1968. En 1970, il est victime d'un accident de voiture. Atteint d'un cancer, très affaibli, il meurt en août 1973.