L'Économie du couple

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Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c'est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c'est lui qui l'a entièrement rénovée. À présent, ils sont obligés d'y cohabiter, Boris n'ayant pas les moyens de se reloger. À l'heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu'il juge avoir apporté.
  • Titre original : L'Économie du couple
  • Fiche mise à jour le 05/09/2016
  • Année de production : 2015
  • Réalisé par : Joachim Lafosse
  • Acteurs principaux : Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller
  • Date de sortie : 10 août 2016
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France :
  • Distributeur international :
  • Durée : 100 minutes
  • Origine(s) : Belgique France
  • Genre(s) : Drame
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : Scope
  • Format son : 5.1
  • Visa d'exploitation : 141123
  • Indice Bdfci :
    68%

Vos commentaires et critiques :

QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2016

Retour vers l'intime

Après Les chevaliers blancs, Joachim Lafosse avait “envie de filmer l’intime, le couple… le lieu d’où tout démarre”. Il va écrire le scénario de L’économie du couple avec Mazarine Pingeot. “Nous avons d’abord défini ensemble la ligne conductrice du scénario, puis Mazarine a rédigé une première version avec Fanny Burdino, sa coscénariste, que j’ai ensuite retravaillée de mon  côté avec Thomas van Zuylen. Nous n’avons eu de cesse de nous échanger les versions jusqu'avant le tournage.” Pour incarner ce couple, Joachim Lafosse fait appel à Bérénice Bejo et Cédric Kahn. “Sachant que j’apprécie de plus en plus de réécrire sur le plateau, il m’est impératif de travailler avec des acteurs ayant le désir de se mettre en danger et de chercher encore avec moi. Sur le plateau, je doute, parfois je ne sais pas, dès lors, créer avec des acteurs de talent m’aide beaucoup. ”Le cinéaste va choisir de tourner de longs plans-séquences en steadycam, pour “laisser vivre les comédiens”. L’économie du couple est produit par Jacques-Henri et Olivier Bronckart (Versus Production), qui suivent Joachim Lafosse depuis Élève libre, également présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2008. Coproduit avec Les Films du Worso, il a reçu le soutien de la RTBF, VOO, BeTV, Wallimage, l’avance sur recettes du CNC et Canal+. La société des frères Bronckart, O’Brother, le distribuera sur le Benelux, la sortie France sera assurée par Le Pacte. 

Ambiance

« Autrefois, on savait réparer. On réparait les chaussettes, les frigidaires… maintenant on jette. Dès qu'il y a un problème, on jette. C'est pareil dans un couple : plus de désir, on jette. » dit la mère à sa fille. Autre temps, autres mœurs… autre façon de concevoir la vie de couple.
Entre Marie et Boris, on voit bien que l'histoire a été forte et intense. Mais après quinze ans, la belle relation est en train d'imploser, les cœurs sont à vifs, les mots violents et les adorables jumelles, prises dans le tourbillon de querelles qui n'en finissent pas de suinter l'amour passé, ont le cœur tout écartillé entre deux combattants qu'elles aiment autant l'un que l'autre, témoins involontaires d'un conflit dont elles ne pigent pas tout.
Ils se sont aimés, c'est sûr, ça se sent, dans chaque objet d'une maison qu'ils ont fabriquée ensemble pour abriter un bonheur qui leur file désormais entre les doigts. Mais quand vient le moment des comptes, aucun ne veut rien lâcher de ce qu'il pense avoir apporté et les petites choses matérielles deviennent l'expression visible de sentiments refoulés, de contentieux inavoués. Ich liebe dich, ich töte dich…
C'est elle qui reste, c'est lui qui doit partir : elle l'a décidé ainsi, ne supporte plus de l'avoir dans les pattes, tout ce qu'elle adorait chez lui jadis est désormais objet de répulsion : son odeur, ses bras puissants, sa vitalité ombrageuse. Lui aimerait rester, et d'ailleurs comment partir ? Sans travail fixe, sans moyens pour trouver un logement ailleurs… Il va falloir cohabiter un moment, et ça devient difficile. La maison, c'est elle qui l'a achetée, elle avait l'argent, grâce à sa famille. Lui avait la force, les bras, le savoir faire qui lui a permis de faire les travaux. Mais au moment des comptes, le travail, aux yeux de Marie, pèse peu de poids en rapport de l'argent qu'elle a apporté. 
C'est une histoire trempée dans l'air du temps et si les femmes se sont émancipées et n'hésitent plus à remettre leur couple en cause, il n'est toujours pas bien vu qu'une femme gagne plus qu'un homme et le capital est toujours plus respecté que le travail. Quel que soit le camp dans lequel on se trouve, c'est un sujet d'humiliation pour l'homme et un moyen de réprobation pour la femme…
La mère de Marie (superbe Marthe Keller) cherche à temporiser, à concilier, plaidant l'indulgence et une répartition équitable, mais dans ces histoires-là il est difficile pour les belligérants de faire la part des choses, de reconnaître la contribution de l'autre. « J'ai tout payé depuis le début » s'énerve Marie. Boris plaide son investissement physique, « j'y ai laissé mes mains, ma sueur, mon amour »… Humilié de s'entendre traiter de « pauvre » devant ses deux gamines, il tente de leur dire que la vraie richesse est ailleurs…
Dans ce chaos tumultueux, surgit pourtant un moment de formidable grâce, une danse, une chanson où tout le monde baisse les armes, une accalmie bienfaisante où on mesure, bouleversé, tout ce que leur relation a pu nourrir de bonheur, de tendresse. Il faudra bien, une fois la tempête passée, que vienne le temps de l'apaisement, il faudra bien arriver à faire la part des choses, il faudra bien que la vie, l'amour, d'une façon ou d'une autre, continuent… et c'est tant mieux.
C'est un film magnifique, écrit à plusieurs mains et autant de sensibilités, impliquant également les comédiens qui ont eu leur mot à dire, modifiant parfois leur texte pour se l'approprier, et le rendu final est saisissant : il y a quelque chose de profond et de fort qui tient sans doute au vécu de chacun, à la connivence qui s'est établie au cours du tournage et leur a permis d'appréhender de l'intérieur des personnages qui immédiatement nous parlent, nous concernent, nous touchent durablement. Bérénice Bejo et Cédrik Khan sont impressionnants de justesse et d'intensité. Les gamines jumelles sont épatantes, peu préparées à ce genre d'exercice, sans texte particulier à dire, mais travaillant avec l'équipe jusqu'à répéter quarante fois la même scène sans s'énerver pour autant, elles sont époustouflantes, touchantes et discrètes, spectatrices impuissantes d'un amour qui se défait et dont elles sont un des enjeux.