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Les choses de la vie d'une femme : elle a eu un mari, elle a fait des enfants qui ont grandi et sont en train de s'éloigner. Gloria est indépendante économiquement et n'a besoin de personne, mais plus personne n'a besoin d'elle et elle en est toute désorientée.Les choses de la vie d'une femme : elle a eu un mari, elle a fait des enfants qui ont grandi et sont en train de s'éloigner. Gloria est indépendante économiquement et n'a besoin de personne, mais plus personne n'a besoin d'elle et elle en est toute désorientée.
Pleine de désirs et de vitalité alors que la soixantaine approche à grand pas, elle est à un moment charnière de sa vie où elle découvre, par la force des choses, qu'elle peut aussi s'affranchir des autres, et vivre pour elle-même. Elle a toujours assuré, sourire aux lèvres et plutôt marrante, et la voilà débarrassée de sa vie passée, désormais sans entraves et sans contraintes, disponible pour explorer une nouvelle façon de voir les choses, réinventer une autre histoire. On imagine bien qu'elle a du mal, au début, à changer ses anciennes habitudes et s'accroche encore à sa fille qu'elle accompagne jusqu'à la dernière goutte le jour où elle s'envole pour aller vivre ailleurs…
Puis peu à peu on la voit prendre goût à ses sorties nocturnes, à ce sentiment de liberté tout nouveau. Gloria est une femme en mutation, qui se cherche, qui a faim d'amour, de plaisir, ne sait pas encore trop qu'en faire. Sous ses airs un peu classiques, on découvre peu à peu que sa vitalité est immense, et qu'elle n'est pas du genre à se morfondre : qu'elle chante avec la radio des balades romantiques en conduisant sa voiture, boive un coup de trop avec les copains, tente des aventures coquines, le saut à l'élastique, partage un pétard… elle cherche, se cherche, pas du genre à déprimer, mue par une sorte d'optimisme plein de gourmandise qui n'exclut pas les incertitudes et les soirs de blues.
Un soir, dans un dancing de Santiago, elle tombe sur Rodolfo, rien de fracassant mais elle s'imagine amoureuse et plonge dans cette relation sans reprendre son souffle, sans calcul, à fond… Rodolfo en est tout bousculé. C'est que lui-même, patron d'un parc d'attraction qui marche, est emberlificoté avec une famille dans un sentiment de culpabilité chronique, partagé entre l'envie de larguer les amarres et l'incapacité d'assumer ses désirs… Rien que Gloria puisse accepter indéfiniment, elle qui désormais s'affirme sexuellement, sentimentalement contre toutes les pressions sociales, familiales, avec un humour qui vaudra à Rodolfo une « exécution » plutôt originale, sous le regard indigné de sa fille et de sa femme qui se demandent d'où sort cette timbrée là.
Gloria a tellement envie de vivre qu'elle va au delà de ses peurs et complexes divers, choisissant avec obstination le sourire plutôt que les larmes. Une nouvelle vie commence et Gloria n'est pas du genre à regarder dans le rétroviseur…
Sebastián Lelio fait de l'histoire de Gloria une sorte de métaphore de son pays : à défaut de pouvoir être fiers de leur histoire, dit-il, les Chiliens ont enfin obtenu leur liberté et, comme Gloria, sont à la recherche du bonheur, se découvrant bien vivants et prêts à écrire une nouvelle page. A travers Gloria, on découvre un Santiago au quotidien bien vivant et bien actuel, où on parle politique, où on manifeste… et ces particularités locales donnent encore plus de vérité et de relief à cette histoire universelle…