Le vol de calamar est puni de mort
Le cinéma du canadien Guy Maddin, (voir ses films précédents en Vidéo en Poche), c'est la promesse à chaque film renouvelée d'un voyage à nul autre pareil, dans des contrées inexplorées, dans des univers parallèles aux couleurs irréelles, même quand les images sont en noir et blanc ! (Ceci dit,La Chambre interdite est en couleur, et quelles couleurs !)
Guy Maddin est un éternel aventurier du cinéma, il est donc tout à fait naturel que son nouvel opus (co-réalisé avec son complice Evan Johnson) soit un film d'aventures à la Jules Vernes sous haute influence surréaliste, plein de surprises et de rebondissements, peuplé de personnages fantasques livrés au grand-huit de leurs émotions contradictoires, de leurs rêves inaccessibles, soumis aux caprices d'un destin farceur qui a un sacré sens de l'humour noir ! C'est d'une beauté renversante, d'une invention visuelle incroyable, d'une liberté d'écriture qui cultive avec jubilation le sens du coq-à-l'âne, de l'association d'idées, du récit à tiroirs, du jeu de miroirs. Pour entrer dans cette Chambre interdite, ce n'est pas d'une hypothétique clef dont le spectateur a besoin, c'est de curiosité, c'est de goût du mystère et du frisson, c'est d'envie d'ailleurs. Une fois franchie la porte, attendez-vous à tout, ne vous accrochez à rien, laissez-vous gagner par le vertige des cimes, par l'ivresse des profondeurs, vous entrez en territoire filmique non identifié. Comme le recommande Guy Maddin lui-même : « Attachez vos ceintures ! J'espère que vous en aurez besoin. »
Dans le sous-marin SS Plunger, l’oxygène se fait rare. Le submersible descend, la panique monte. Le compte à rebours vers une mort certaine est enclenché. L’équipage désemparé cherche en vain le capitaine, le seul capable de les sauver. Mais il reste introuvable, il s'est volatilisé… ou il se cache, encore plus terrifié que ses hommes… L'atmosphère devient irrespirable, la tension atteint son paroxysme quand soudain, de manière improbable, apparaît dans le poste de commandement… un bûcheron complètement perdu, œil clair, épaules d'athlète et chemise à carreaux ! Sans s'étonner le moins du monde de se retrouver impromptu vingt mille lieues sous les mers, l'homme à la hache raconte aux marins subjugués comment il a échappé à un redoutable clan d'hommes des cavernes, comment ces êtres malfaisants ont enlevé sa bien-aimée et à quel point il est prêt à tout pour la sortir de là…
Et voilà c'est parti ! Embarquer à bord du sous-marin SS Plunger, c'est se lancer dans un tour du monde en deux petites heures, c'est partir à l'assaut des montagnes les plus hautes et des chimères les plus folles, c'est côtoyer des femmes fatales et des fous à lier, des amateurs de bains et des amoureux plus ou moins transis, c'est voir des acteurs jouer plusieurs rôles, c'est ouvrir des yeux de gamin émerveillé devant des paysages oniriques reconstitués en studio, c'est s'abandonner au plaisir du cinéma des origines réinventé par les images numériques, c'est vivre une expérience unique comme seuls peuvent nous en offrir des cinéastes aussi irréductiblement singuliers que Guy Maddin. Et autant vous dire qu'ils ne sont pas nombreux !