Il ne sont sans doute pas très nombreux, de par le monde, les enfants qui peuvent écrire le jour de la rentrée, dans la case « profession des parents » : mère astronaute. Un métier qui paraît presque irréel, réservé aux histoires dans lesquelles on conquiert la lune à bord d'une fusée rouge, entre Jules Verne et Tintin. Pour Stella, l'espace est un sujet de conversation presque banal et elle connaît par cœur toutes les étapes avant la mise en orbite, comme une comptine qu'elle fredonne avec sa mère tous les soirs avant d'aller au lit… 5, 4, 3, 2, 1, décollage. Rien de plus normal avec un père astrophysicien et une mère astronaute, qui ont les yeux et le cœur rivés vers les étoiles. Et si ces deux-là ne s'aiment plus suffisamment pour vivre ensemble (la vie de couple étant peut-être bien trop terrienne pour eux), ils ont réussi à préserver pour leur fille ce trésor commun : une insatiable curiosité pour l'univers et ses secrets.
Mais un jour, il faut bien que Sarah parte au travail. Et là, les choses se compliquent car pour Stella, laisser maman partir bosser ne signifie pas s'en trouver séparée le temps de quelques heures de bureau, mais bien la livrer au grand vide intergalactique pour une année.
Sarah a en effet été choisie pour rejoindre l'équipe internationale de la mission scientifique Proxima (oui, la même que celle de Thomas Pesquet)… mais si c'est l'aboutissement de toute une carrière et la réalisation d'un rêve de petite fille, c'est aussi un déchirement, celui d'une mère qui va devoir quitter son enfant pour aller très très loin pendant très très longtemps, avec l'angoisse de ne peut-être jamais revenir sur terre. Pour Stella et Sarah, l'entraînement à cette nouvelle vie va alors commencer. Changer d'école. Tester son corps à des pressions ultimes. Vivre avec son père. Cohabiter avec un équipage exclusivement masculin. Essayer d'être moins nulle en maths. Maîtriser les bras robotisés de sa combinaison. Avoir peur de grandir sans maman. Culpabiliser de ne pas être là…
D'espace, il en sera question tout le temps… sans qu'il soit montré, le récit s'arrêtant là où le voyage spatial commence. Et c'est bien là toute la singularité de ce film mêlant l'intime et l'immensité : raconter comment des êtres au destin exceptionnel, s'apprêtant à vivre une expérience hors du commun, n'en demeurent pas moins terriblement humains. Alice Winocour raconte bien sûr avec précision tout le protocole et la préparation liés à la mission, filmant sur les lieux mêmes des centres de recherche (centre de l'Agence spatiale européenne à Cologne, Cité des étoiles en Russie, Cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan) mais son histoire est ailleurs : dans le tiraillement affectif et psychologique de cette femme qui veut à la fois être une bonne mère et accomplir en parfaite professionnelle la tâche immense qu'on lui a confiée, et dans la difficulté de cette toute jeune fille à être l’enfant d’une femme hors du commun.
Hommage à toutes les femmes qui assument crânement leur double vie familiale et professionnelle, Proxima porte dans sa sobriété un éclat émouvant.