Guy

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Gauthier, un jeune journaliste, apprend par sa mère qu’il serait le fils illégitime de Guy Jamet, un artiste de variété française ayant eu son heure de gloire entre les années 60 et 90. Celui-ci est justement en train de sortir un album de reprises et de faire une tournée. Gauthier décide de le suivre, caméra au poing, dans sa vie quotidienne et ses concerts de province, pour en faire un portrait documentaire.

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SEMAINE DE LA CRITIQUE 2017 

Une ode à la vie

Deuxième film d’Alex Lutz après Le talent de mes amis,Guy, épouse la forme  du faux documentaire pour suivre un personnage de vieux crooner dépassé par son époque. “C’est un film qui, pour moi, est un portrait et au-delà une ode à une vie. J’avais envie de questionner le temps qui passe dans la vie d’un homme et je trouvais intéressant de tout inventer. J’aime bien le mot documenteur. Guy a des allures de documentaire mais, en fait, rien n’est vrai. Donc j’ai inventé Guy Jamet, qui semble être une vedette de la  chanson française populaire et que l’on découvre à travers la caméra d’un  personnage qui apprend, au tout début du film, qu’il est son fils”. La forme particulière du film nécessitant un travail sur l’écriture tout aussi singulier, Alex Lutz a choisi de le coécrire avec Anaïs Deban et Thibault Segouin. “J’étais le garant du personnage, de la trame et de l’arche. Et je pouvais demander à Anaïs et Thibaut des interventions parfois très précises, comme se concentrer à un moment donné sur l’écriture de chansons ou réfléchir sur l’époque. J’ai eu deux coscénaristes très talentueux qui ont un peu travaillé à la carte.” Guy a été tourné en juin 2017, le cinéaste s’autorisant une forme de liberté pour rester au plus proche du style documentaire. Le montage aussi se fera dans une configuration triangulaire, avec Alexandre Westphal et Alexandre Donot. “Deux, c’est toujours un peu particulier, trois, c’est tout de suite démocratique. Les choix se sont imposés dans la fluidité, l’entente et le dialogue.” Le film est interprété par Alex Lutz lui-même dans le rôle de Guy. Il est entouré notamment de Tom Dingler, Pascale Arbillot, Nicole Calfan, Dani, Élodie Bouchez et Marina Hands.

Ce fut la bonne et heureuse surprise de la fin de la Semaine de la Critique de ce Cannes 2018. Un film comme un dernier tour de chant, comme une belle révérence qui clôturait cette parenthèse-là du festival, plus intimiste, plus généreuse aussi, celle qui se joue loin des paillettes. C’est ici que l’on déniche souvent quelques pépites, des films inattendus, des surprises, des outsiders, des œuvres singulières, de drôles d’objets souvent fragiles qui osent ici leurs premiers pas. Guy était passé sous les radars, ou au dessus, bref loin de notre périscope parfois un peu étriqué, coincé dans ses a priori, trop à l’aise avec ses certitudes. Et puis il est apparu là, devant nous, ce personnage bigger than life au phrasé un peu désagréable, avec ses tics, ses gestes d’une autre époque, son regard bleu acier dans lequel, très vite, on a voulu, intrigués, se plonger pour en savoir plus.
Guy, c’était Alex Lutz, totalement, de la pointe du mocassin au bout du cheveu gris, en passant par la chaîne en or qui brille et puis, très vite ce n’était plus du tout lui, on a oublié le latex, les heures de maquillage et de préparation, le fond de teint, c’était Guy Jamet, simplement. Par quel enchantement cela fut il possible ? Peut-être tout bêtement grâce au procédé choisi par Alex Lutz, le faux documentaire qui va coller au plus près son personnage, tellement près finalement que la distance entre lui et nous va s’évaporer. Mais cela tient aussi peut-être à la grâce malicieuse d’un montage diablement efficace, mélange de nervosité et de douce mélancolie dont le voile est percé par quelques fulgurances d’un kitsch délicieux : les images d’archives où Guy Jamet est jeune, beau, blond comme les blés et roucoule sa sérénade comme si sa vie en dépendait. Toute cette petite cuisine va nous mitonner tranquillement le mythe de ce cow-boy has been, écrivant la légende de ce crooner vieillissant qui chante depuis trente ans les mêmes chansons d’amour simples à retenir, simples à comprendre, simples à fredonner… les chansons de Guy Jamet. 
On a tous une chanson un peu nouille de variétoche qui vit nichée quelque part dans un recoin de notre cerveau, une chanson de l’enfance, qui nous rappelle nos parents ou nos grands-parents, une chanson que l’on trouve objectivement ringarde mais dont la simple écoute suffit à faire naître le souvenir d’un jour heureux, voire une petite larme. Allez, si si, j’en suis certaine, en cherchant bien, vous la trouverez cette chanson, c’est comme une chanson de Guy Jamet. Donc Guy Jamet est de retour… mais a-t-il jamais vraiment quitté la scène ?
Un jeune réalisateur, dont la mère était une inconditionnelle, décide de faire un film sur lui, façon « Guy Jamet comme vous ne l’avez jamais vu ». Guy en répétition, Guy en tournée, Guy dans son mas, Guy à cheval, Guy chez Drucker, Guy qui rit, Guy qui vieillit, Guy qui cabotine, Guy qui fait le beau, Guy qui a mal au dos…
La complicité de part et d’autre de la caméra n’est pas des plus évidentes : Guy est un animal sauvage qui veut connaître les règles pour mieux les maitriser. Il a bien conscience que ce film dira un peu plus que ce qu’il veut simplement révéler et que le spectateur y découvrira aussi ses travers, sa part d’ombre, ses rides et sa démarche de vieux monsieur…
Avec une tendresse infinie pour ce personnage qu’il campe avec un talent de prestidigitateur né, Alex Lutz nous offre ici un film qui ressemble à ces pochettes surprises que l’on achetait enfant à la boulangerie. On pensait n’y trouver que drôlerie, moquerie complice, numéros bien ficelés d’artistes, mais on découvre aussi, tout au fond du cornet en papier, une petite étoile qui brille, quelques larmes timides et la saveur brute de la vie qui passe si vite.