Filmé dans un noir et blanc particulièrement expressif, le récit se campe dans un modeste monastère suisse perdu dans les montagnes. Un havre de paix : ici les hommes de Dieu prient, contemplent le silence, communient avec la nature et les plus infimes de ses occupants, méditent dans la solitude partagée. Alors, évidemment, la frêle silhouette féminine qui gravit la pente détonne. Petite jeune fille marron de peau, emmitouflée dans des vêtements plus larges qu’elle, Fortuna impose sa présence grave. Elle va d'abord à l'étable et on ne comprend pas le sens véritable de ce qu’elle murmure à l’oreille de l’âne de la compagnie, ni plus tard à la statue de la vierge Marie. La détresse qui émane de son regard insondable devient bouleversante quand elle déclare au bourricot qu’il est son seul ami et à la madone figée qu’elle est sa seule protection. À ces deux-là, elle dit bien plus qu’aux occupants du monastère qui essaient sincèrement de la comprendre et de l’aider, s’inquiétant de sa santé, de son devenir, de la rareté de ses mots…
Fortuna, jeune érythréenne, est une rescapée d’une mer Méditerranée devenue meurtrière malgré elle, et le monastère est devenu son refuge. Si la petite communauté religieuse a décidé de porter assistance à ceux qui sont venus échouer à ses portes, il n’est pas si simple d’accueillir ces personnes venues de tous les horizons, de toutes les obédiences, qui trimballent parfois des ribambelles de gamins.
Quand les flics débarquent, tous s’affolent, se tassent sur eux-même ou se révoltent. Alors que chaque réfugié finit par se plier aux solutions envisagées, Fortuna, qui est mineure, refuse tout en bloc et s’accroche au monastère comme une moule à son rocher. Il faudra des trésors de patience pour qu’elle accepte de dévoiler sa vérité, bien plus complexe que les vagues clichés qu’on pourrait imaginer…