L’entrée en matière est des plus classiques : un palais somptueux, des jets d’eau, des étoffes flamboyantes, une armée d’hommes et de femmes au service de la Royauté, le tout porté par une musique un brin démonstrative. Nous sommes dans un film à costumes 100% qualité anglaise, tiré à à quatre épingles, sans faux plis : bienvenue en Inde, sur les terres lointaines de la Reine d’Angleterre (nous sommes en 1947). Mais on se doute très vite que le film ne se résumera pas à cette belle et rutilante vitrine fortement imprégnée d’imagerie coloniale et que Gurindher Chadha, réalisatrice anglo-indienne qui signa il y a quinze ans le pétulant Joue-là comme Beckham, a bien l’intention de nous raconter autre chose qu’une bluette.
Issu de la lignée royale, Louis « Dickie » Mountbatten est nommé Vice-roi des Indes par Georges VI avec un objectif bien particulier : il doit mettre ses talents de fin négociateur, de diplomate averti, de meneur charismatique au service d’une noble et belle cause, l’indépendance de l’Inde. L’ampleur de la tâche est à l’image du pays, colossale et complexe. Outre son immensité, l’Inde est un territoire traversé par des cultures et des religions très contrastées auxquelles viennent s’ajouter des traditions tribales ancestrales.
Mais rien de tout cela ne semble affaiblir la volonté et l’optimisme de Mountbatten, qui aborde sa mission avec un flegme pragmatique tout britannique. Pour préparer les esprits et en amont des négociations, on commencera donc par changer les habitudes du Palais : recevoir des invités issus de toutes les traditions et faire entrer la cuisine indienne dans les menus officiels. Il pourra dans ces domaines compter sur le talent complice de son épouse Edwina, qui est tout sauf une potiche.
Mais l’indépendance n’est pas seulement un mot puissant inscrit sur un bout de papier, il faut sur le terrain faire accepter le fait de rendre à un peuple sa liberté souveraine. La tâche s’avère alors bien plus ardue que prévu car chacun veut son territoire : les Hindous et les Musulmans, sans oublier les Sikhs, autant de communautés qui vivaient ensemble sous la domination anglaise mais que l’indépendance va violemment déchirer.
L’épreuve de la réalité commence, et elle sera douloureuse. Pour Lord Mountbatten d’abord qui, après d’âpres négociations avec Nehru et Jinnah et sous le regard perplexe de Ghandi, définira les frontières des deux états : l’Union indienne, à majorité hindoue, et le Pakistan, à majorité musulmane. Mais surtout pour le pays tout entier, qui va connaître un vaste mouvement de population puisque près de 14 millions de personnes devront être déplacées !
C’est cette histoire-là, assez méconnue par nous autres Français, que Gurinder Chadha nous raconte, cette histoire qui est aussi celle de ses aïeux. A travers le portrait de ce couple qui a su saisir le sens de l’histoire et en accepter ses bouleversements, elle évoque aussi la position ambivalente du Royaume Uni puisque le tracé de la carte en favorisait les intérêts géopolitique et économiques.
Alors bien sûr, c’est du cinéma, et l’histoire n’a sans doute pas l’indulgence de la fiction vis-à-vis des époux Mountbatten, qui quittèrent fissa le pays, le laissant à feu et à sang, et la violence des massacres qui suivirent nous sera épargnée (1 million de morts en 3 mois)… On pardonnera aussi à la réalisatrice quelques écarts romanesques un peu fleur bleue… On dira qu’ils donnent au film une petit touche bollywood qu’on aime bien retrouver dans ce genre de production.
PS : à ceux que cela intéresse, on conseille la lecture d’un excellent article paru dans Le Monde du 4/08/2007, « La monstrueuse vivisection de l’Inde », par Henri Tincq.