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Justice est faite
On peut reconnaître au réalisateur Vincent Garenq une vraie cohérence et une constance remarquable. Ces trois derniers films commencent de la même façon : l’arrestation au petit matin d’un homme qui s’avérera innocent. Vincent Garenq, homme de conviction qui croit dans la capacité du cinéma à influer sur le cours du monde, a redonné dans Présumé coupable son honneur et sa dignité à Alain Marécaux, l’huissier de justice injustement accusé et emprisonné dans la sinistre affaire dite d’Outreau. Dans L’Enquête, il reconstituait le combat pour la vérité du journaliste Denis Robert, qui avait dénoncé contre vents et marées judiciaires les manipulations financières occultes de Clearstream, chambre de compensation située au Luxembourg, en lien avec le milieu politico-économique français.
Ici l’homme arrêté un petit matin de 2009 dans un hôtel de Mulhouse est André Bamberski, un septuagénaire toulousain, qui semble peu surpris de l’arrivée de la police et relativement serein. Pour comprendre toute l’affaire, le film nous ramène aux années 1970 au Maroc. A l’époque, André Bamberski est un expert comptable apprécié, marié à la très jolie Dany (c’est Marie-José Croze) et heureux père d’une petite fille, Kalinka.
Dieter Krombach est le père d’une copine de Kalinka et rapidement les deux couples se lient d’amitié. Mais peu après, la femme d’André le quitte pour Dieter. Tout se noue en juillet 1982. Dieter a épousé en seconde noces Dany, et cet été-là, Kalinka et son frère sont partis en vacances chez leur mère et beau-père au bord du très beau lac de Constance. Et une nuit sinistre, sans explication plausible, Kalinka meurt subitement, alors que la veille, le Docteur Krombach a fait une piqûre à la jeune fille… pour l’aider à bronzer plus vite. Chez André Bamberski, l’immense douleur cède bientôt la place au doute et aux interrogations, d’autant que l’autopsie est étrangement bâclée et que les autorités allemandes vont continuer à faire preuve de négligences inquiétantes. Peu à peu le doute se transforme en certitude : Dieter Krombach est coupable. Et année après année, les preuves vont s’accumuler contre l’élégant médecin, qui se révèle un pervers sexuel amateur de très jeunes filles…
Ponctué de rebondissements dignes d’un excellent thriller, le film suit l’incroyable combat d’André Bamberski pour que justice soit rendue à Kalinka et donc pour faire condamner Dieter Krombach. Un combat qu’il finira par gagner au bout de trente ans, après avoir été contraint de faire fi de toute légalité. Les incroyables péripéties tiennent en haleine, qui montrent que la raison d’État entre deux pays va à l’encontre de la justice. Mais c’est surtout l’évolution d’un homme ordinaire qui est décrite. Un homme que rien ne prédisposait à agir de la sorte et qui pourtant devient à la fois juriste, détective privé, homme de main pour tenter d’aller jusqu’au bout de la mission qu’il s’est assignée. Un homme qui aura d’une certaine manière sacrifié sa vie, son nouvel amour, pour ce seul objectif. Daniel Auteuil, immense acteur quand il joue dans des films qui l’intéressent vraiment, endosse le personnage à tous les âges et restitue avec une remarquable intensité le parcours de ce personnage que sa quête mena au bord de la folie… au nom de sa fille.