Comme chaque matin, Salcuta Filan écoute la radio avant de partir au travail. « Les Roms n’ont pas vocation à s’intégrer en France ! Ils doivent retourner chez eux ! », scande un politique. Les phrases fusent, féroces, brutales. Des propos que Salcuta a souvent entendus depuis qu’elle est arrivée en France en 2002, avec ses deux jeunes enfants… Les Roms seraient ils voués à demeurer des Européens de troisième zone ?
De l’expulsion du terrain où elle vivait et la destruction de sa caravane par les forces de police jusqu'à son installation dans l’appartement du 8, avenue Lénine à Achères, quinze ans ont passé. Aujourd'hui, Salcuta a un travail, un logement, paie des impôts. Mais s’intégrer n’est pas qu’une affaire administrative. Alors Salcuta fait front, car en tant qu’Européenne, elle a choisi : chez elle, c’est ici. Ils sont rares ces films si justement distancés qu'ils nous amènent à saisir un morceau de la complexité du monde tout en transmettant une énergie folle. 8, avenue Lénine est de ceux-là : suivre une personne pendant quinze ans, dans les difficultés auxquelles elle est confrontée au quotidien, sans jamais tomber dans la sinistrose, rend compte d'une réalité bien plus forte et essentielle que n'importe quel reportage journalistique.
« Caravane 55 que nous avions autoproduit est devenu un film de référence sur les conditions de vie des Roms en France. Un film que se sont appropriées de nombreuses associations. « Nous avons continué depuis 2003 à suivre le parcours de Salcuta et à filmer les grands événements de sa vie, de celle de ses enfants, et de cette ville. Il nous est apparu urgent, face à la montée des extrémismes, de témoigner du parcours exemplaire de cette femme et de sa famille. Et de décrypter l’irrationalité brutale du rejet que subissent les Roms. Car il semble essentiel aujourd'hui de montrer qu’il est possible pour des familles roms de vivre en harmonie avec la loi, en France, comme dans toute l’Europe. Si tant est qu’on leur en laisse la possibilité.
« 8, avenue Lénine veut en témoigner et motiver plus de personnes encore à s’approprier l’histoire de Salcuta et de ses enfants, comme un exemple de ce qu’un État peut produire de positif. »