CANNES 2018: HORS COMPÉTITION
La jeunesse d’un mythe
C’est la cinquième fois que Ron Howard présente un film hors compétition à Cannes, après Willow en 1988, Horizons lointains en clôture en 1992, En direct sur Ed TV en 1999 et Da Vinci Code en ouverture en 2006. Il y revient avec le deuxième spin-off de la saga Star Wars. C’est dès 2012 que Lawrence Kasdan (qui avait déjà collaboré aux épisodes V, VI et VII) et son fils Jon se sont penchés sur la jeunesse de Han Solo, initialement incarné par Harrison Ford et campé ici par Alden Ehrenreich, révélé par Francis Ford Coppola dans Tetro (2009). Selon le jeune producteur exécutif Simon Emanuel, lui-même monté en grade au fil des aventures récentes de Star Wars et qui dit incarner “la nouvelle génération chargée de perpétuer cet héritage”, “Kathleen Kennedy m’a parlé pour la première fois de Solo: A Star Wars Story alors que nous étions en préproduction de Rogue One, en 2015, et le tournage proprement dit a débuté en février 2017. L’une des choses que nous jugions tous fondamentale concernant Solo… était que le film doive conserver en permanence une apparence aussi réaliste que possible, alors même qu’il comprend quelques séquences qui relèvent du pur fantastique. La préparation du tournage a consisté à nous demander en permanence à quel point nous serions en mesure d’appliquer cette règle d’un point de vue pratique, même si cela impliquait de tourner des plans qui finiraient par être retravaillés au stade de la postproduction”. Parmi les décors naturels les plus spectaculaires utilisés pendant le tournage : le massif des Dolomites en Italie, une centrale électrique désaffectée située à Southampton et les docks de Tilbury, à Londres. Présenté en première mondiale le 10 mai à Los Angeles, Solo: A Star Wars Story sort en France le 23 mai et aux États-Unis le 25.
Le film raconte l'histoire du jeune Solo - joué par Alden Ehrenreich - et son fidèle compagnon, la créature poilue Chewbacca. Il se situe chronologiquement avant le premier film de la saga, «Star Wars - Episode IV: un nouvel espoir», où Harrison Ford tenait le rôle désormais culte du franc-tireur et pilote du Millennium Falcon. «Solo» est le deuxième «spin-off» de l'épopée spatiale se détachant des aventures de Luke Skywalker et de sa famille pour vaincre le maléfique Empire galactique, après «Rogue One», sorti fin 2016 et qui a rapporté plus d'un milliard de dollars au box-office mondial. Un troisième «spin-off» consacré au maître Jedi Obi-Wan Kenobi serait en préparation d'après le Hollywood Reporter. Ron Howard, un vétéran d'Hollywood, a repris le projet en main à la dernière minute alors que je tournage était déjà en cours, à la suite d'un divorce créatif entre le duo de cinéastes initialement en charge du film, Phil Lord et Chris Miller, et la productrice de Lucasfilm Kathleen Kennedy. On ne réinvente pas la roue avec un cinéaste comme Ron Howard à la barre (en remplacement de Phil Lord et Chris Miller). Mais on s'assure que le navire sera mené à bon port. Le cinéaste de Splash, d'Apollo 13 et d'A Beautiful Mind sait produire (la plupart du temps) des films grand public de qualité. Et c'est exactement ce qu'est ce Solo. Dans ce film qui se déroule une dizaine d'années avant l'intrigue de l'original Star Wars, on découvre des éléments de la jeunesse de Han, sa rencontre avec son fidèle acolyte Chewbacca, l'origine du patronyme Solo et cette fameuse partie de cartes qui a fait perdre à Lando Calrissian son vaisseau chéri, le Millennium Falcon. Les références aux autres films de la saga sont juste assez nombreuses. Il y a un bon dosage et un bel équilibre entre le vieux et le neuf (une évocation de la lutte pour les droits civiques aux États-Unis, dont le fer de lance est un robot contestataire). Surtout, le film ne se prend pas au sérieux, à l'image du personnage de Han Solo, reconnu pour son humour pince-sans-rire. Les scénaristes, Lawrence Kasdan (coauteur de The Empire Strikes Back, le meilleur des Stars Wars, toutes époques confondues) et son fils Jonathan, auraient sans doute pu se permettre plus de liberté et d'audace dans l'humour et l'ironie, mais le ton général ne jure pas avec la personnalité du sardonique corsaire de l'espace.
Alden Ehrenreich, révélé il y a près de 10 ans dans un film de Francis Ford Coppola, Tetro (en compagnie de Vincent Gallo), a des airs de jeune premier de l'âge d'or d'Hollywood. Il en fait juste assez pour nous rappeler Harrison Ford avec ses mimiques, ses sourires et ses clins d'œil, sans toutefois tomber dans le pastiche. Il lui manque peut-être du bagout pour incarner cet intrépide qui voulait être hors-la-loi, mais il s'acquitte bien de sa lourde tâche. Plus convaincants sont Woody Harrelson, dans le rôle de Becket, sorte de père spirituel de Solo, et Donald Glover en jeune Lando Calrissian, son faux-frère enjôleur. Solo: A Star Wars Story n'est peut-être pas une réussite à la hauteur de Rogue One, le premier film dérivé de la saga intergalactique. Il ne propose pas d'esthétique nouvelle (plus réaliste et moins lisse) ni de dénouement particulièrement inattendu.
Ce western spatial marque un retour à la bonne moyenne dans l'ensemble de la filmographie portant le sceau Star Wars. Pour peu qu'on soit fan de la série, on trouve son compte et on ne s'ennuie pas. C'est déjà beaucoup pour un projet qui avait autant de plomb dans l'aile.