Memoria

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Au lever du jour j'ai été surprise par un grand BANG et n'ai pas retrouvé le sommeil. A Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière. Un Bang.

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Festival de Cannes 2021 : compétition

Quête mystique

Une Écossaise en voyage en Colombie commence à repérer des sons étranges qui l’incitent à réfléchir à leur origine. Le réalisateur et artiste plasticien thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, né en 1970, s’est fait remarquer à l’âge de 30 ans avec un documentaire de long métrage intitulé Mysterious Object at Noon, qui lui a valu récompenses et éloges. Il a confirmé sa réputation sur le plan international avec Blissfully Yours, prix Un certain regard à Cannes en 2002, puis Tropical Malady, qui y a obtenu le prix spécial du jury deux ans plus tard, avant d’être lui-même membre du jury en 2008. Il a présenté Syndromes and a Century à la Mostra de Venise en 2006 et a contribué à deux films à sketches : L’état du monde, en 2007, et Stories on Human Rights, en 2008, avant d’obtenir la Palme d’or 2010 pourOncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures), puis de signer un nombre astronomique de courts métrages (souvent destinés à des expositions), Mekong Hotel (2012) et Cemetery of Splendour qu’a montré Un certain regard en 2015. Il réunit dans Memoria Tilda Swinton et Jeanne Balibar pour une quête mystique illuminée par le chef opérateur thaïlandais Sayombhu Mukdeeprom, qui a notamment éclairé la trilogie de Miguel Gomes Les mille et une nuits (2015), Call me by your Name (2017) et Suspiria (2018) de Luca Guadagnino. Tourné avant la pandémie et vendu à l’international par The Match Factory, Memoria est le fruit d’une collaboration entre la Colombie, le Mexique, la France, le Royaume-Uni, la Thaïlande, la Chine, l’Allemagne, la Suisse et le Qatar qui réunit les efforts d’Anna Sanders Films, Illuminations Films, Bord Cadre Films, Kick the Machine, Burning Blue, Piano Producciones, Xstream Pictures et de la Fondation pour l’art contemporain de Beijing. Il sera distribué par New Story.

 

 

BANG. Un son brut, lourd et métallique réveille brutalement Jessica Holland (Tilda Swinton), une botaniste écossaise, spécialiste des orchidées, partie vivre en Colombie pour rejoindre sa sœur malade. Un impact sonore qui au fil des jours devient récurrent et dont Jessica ne sait pas s’il est mental ou s’il provient du monde extérieur. Une détonation qui l’attire, l’obsède toujours un peu plus et dont elle va tenter de connaître l’origine.
À Bogota, elle se lie d’abord d’amitié avec Agnes Cerkinsky (Jeanne Balibar) une archéologue française qui étudie le squelette d’une femme, vieux de 6000 ans, exhumé lors de la construction d’un tunnel. Son crâne semble avoir été percé pour « libérer les mauvais esprits ». BANG.
Jessica part ensuite à la rencontre d’Hernán, un jeune musicien travaillant dans un studio de mixage, à qui elle demande de tenter de reproduire électroniquement le son qu’elle lui décrit, à savoir « une boule de béton tombant dans un puits métallique ». Quelques jours plus tard, le jeune homme disparaît, et c’est comme si leur rencontre n’avait jamais existé. Jessica déambule alors dans les rues de la capitale colombienne sous la moiteur écrasante de son climat tropical, propice aux dérèglements des sens. BANG.
Au cours d’un voyage dans les montagnes colombiennes, aux abords d’un cours d’eau, Jessica fait la rencontre d’Hernán (le même, à un autre moment de son existence ?), un quinquagénaire solitaire, chamane de son village. À son contact, Jessica découvre sa capacité à recevoir mentalement les souvenirs d’Hernán (le premier, le musicien), telle une antenne de réception amplifiant les vibrations où s’entrechoquent les voix fantomatiques d’un autre espace-temps.
Depuis 20 ans, le réalisateur thaïlandais Apitchatpong Weerasethakul (Palme d’Or du Festival de Cannes 2010 avec Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures) construit une œuvre unique en son genre, invitant le spectateur à lâcher prise, à ralentir son tempo et à se laisser porter par le silence, les sons de la nature et les songes de l’esprit. Portée par une Tilda Swinton au sommet de son art, Memoria se vit plus qu’il ne se voit, comme une partition sensorielle envoûtante au cœur de la mémoire du vivant. Une réflexion presque paléontologique, à la frontière du fantastique et des cultures animistes, qui épouse avec élégance chaque recoin de la salle de cinéma. Une expérience au cœur de notre mémoire originelle.

« Tout a commencé lorsque j’ai entendu un grand bruit à l’aube, pendant plusieurs mois. Il était interne et se produisait lorsque j’étais à la maison et à l’étranger. Ce symptôme – reconnu comme le syndrome de la tête qui explose – est indissociable de mon expérience en Colombie. Il a constitué la base du personnage de Jessica, dont les expériences auditives guident son parcours. Le nom de Jessica est un hommage à l’un de mes films préférés, Vaudou, de Jacques Tourneur. Dans ce film, Jessica Holland est l’épouse comateuse d’un propriétaire de plantation sucrière irrésistiblement attirée par le son des tambours vaudous à la nuit tombée. » (Apitchatpong Weerasethakul)