Furie
Dans un quartier populaire, alors que s'installent des forains, on découvre le corps d'une jeune femme étranglée. L'assassin, Alfred, un vaurien gominé, et sa maîtresse, Alice, font porter le chapeau à l'étrange M. Hire, qui réside dans le petit hôtel meublé de la place. M. Hire, le misanthrope qui croyait renaître à l'amour grâce à Alice... Disons-le sans détour, à la manière de Julien Duvivier lui-même, qui aimait filmer la vérité à l'état brut : Panique est un pur chef-d’œuvre, aussi riche par son fond, noir comme l'encre de la délation et le Rimmel des garces, que dans ses trouvailles visuelles, d'une modernité qui laisse encore pantois aujourd'hui. C'est en plans serrés que Duvivier nous montre la médiocrité et la veulerie qui suintent sur le visage des hommes. Les femmes ne valent pas mieux, capables du pire par amour, ou par bêtise, ce qui revient souvent au même chez ce cinéaste sans illusions. Et quel sens de l'espace chez ce technicien pointilleux : après que la spirale infernale a été enclenchée, que la foule a révélé sa face hideuse, pour parfaire encore l'ambiance de cauchemar éveillé, il laisse M. Hire (grandiose Michel Simon) seul sur la place. Pantin pathétique pris de vertige au centre d'un cercle de haine. Puni d'avoir cru, un moment, à la bonté du monde. Victime expiatoire d'une foire populaire qui peut passer de la liesse au lynchage. Jean Renoir voyait en Duvivier un poète. Panique est bien un poème cru(el) et désespéré. Sa grande œuvre au noir.
Guillemette Odicino