LICORICE PIZZA EST PROJETÉ EN 70MM DANS UNE SALLE PARISIENNE "L’ARLEQUIN"
Un film qui commence au son du génial Life on Mars de David Bowie ne peut pas être foncièrement mauvais ! Flash back en 1973 dans la San Fernando Valley, le cœur du rêve californien. Nous sommes dans un lycée américain typique et on découvre au fil d'un superbe plan séquence le long rang d'oignons des élèves mâles bien apprêtés (autrement dit, seventies obligent : pat d'eph moules burnes et chemises pelle à tarte un peu trop ajustées) pour la photo annuelle de classe. Et là, remontant la file, s'avance une fille plus âgée que les garçons, dont la mini jupe, le déhanchement nonchalant et le regard dédaigneux font s'écarquiller les yeux et se clouer les becs. Alana est l'assistante à qui on ne la fait pas du photographe. C'est alors qu'un des élèves, Gary, pourtant pas forcément le dragueur attendu (il est rouquin et un peu rondouillard) sort du rang et entreprend la belle pour l'inviter au restaurant, lui le morveux de quinze ans alors qu'elle déclare en avoir 25, avec une assurance complètement décalée, déclarant être un jeune acteur prodige, lui faisant un baratin éhonté tandis que le génial travelling se poursuit.
Contre toute attente, Alana va venir au rendez-vous, mi intriguée mi honteuse d'avoir accepté. Il s'avère que Gary n'a pas menti : il est une sorte d'enfant star de séries télés, instrumentalisé par une mère âpre au gain, qui dirige une agence de publicité. Et entre Alana, qui vit coincée entre ses sœurs et ses parents juifs orthodoxes (la famille est proprement hilarante) et a furieusement envie de s'évader, et Gary, qui court les plateaux de tournage et vit de manière autonome alors qu'il est à peine pubère, va naître une relation atypique, à fois fusionnelle et tourmentée bien que platonique (même si Gary aimerait qu'elle le soit un peu moins), sujette à de multiples rebondissements.
Paul Thomas Anderson, qui nous avait laissés envoûtés par son somptueux Phantom thread (2018) s'offre – et nous offre ! – un double plaisir : décrire avec une imagination foisonnante et nostalgique – un peu à l'image de Tarantino dans Once upon a time in Hollywood – les années 70 hollywoodiennes où tout était possible – y compris le grand n'importe quoi – et dépeindre avec une finesse et une grâce inouïes la naissance d'un amour improbable et sans cesse contrarié mais contre lequel finalement aucun des deux protagonistes ne pourra lutter. Pour faire vivre ces seventies incroyablement libres, excitantes et parfois absurdes, Paul Thomas Anderson irrigue son récit de personnages secondaires formidables : il y a Jack Holden (alter ego de William), incarné par Sean Penn, acteur totalement égocentré et phagocyté par ses personnages de cinéma, qui essaie de séduire Alana et qui est flanqué d'un ami tonitruant joué par Tom Waits, ou, encore plus hilarant, Bradley Cooper qui incarne le passablement cinglé Jon Peters, ex-coiffeur devenu producteur et ancien compagnon de Barbara Streisand, à qui Alana et Gary viennent livrer un matelas à eau, puisque l'acteur débutant s'est lancé dans ce business incongru pour impressionner son aimée...
La mise en scène de Paul Thomas Anderson est magnifique d'invention et de fluidité : en témoignent ces séquences emballantes où les amoureux courent à travers la ville pour essayer de se retrouver, à une époque où on n'imaginait même pas que le téléphone portable pourrait exister. On est constamment sous le charme de ce boy meets girl qui nous fait croire que c'est la première fois qu'une histoire d'amour est racontée au cinéma comme ça, sous le charme des deux personnages et de leurs interprètes : la musicienne confirmée Alana Haïm et Cooper Hoffman, le fils du regretté Philip Seymour. C'est leur premier rôle au cinéma et ils sont à tomber.
PS : L'intrigant titre, Licorice pizza, renvoie au nom d'une chaîne de boutique de disques des années 70 en Californie du sud : la « pizza au réglisse », c'est le disque vynile.
LICORICE PIZZA EST PROJETÉ EN 70MM DANS UNE SALLE PARISIENNE "L’ARLEQUIN"