Un polar américain quasi-mythique, qui contribua à chambouler durablement le genre dans les glorieuses années 1970. La recette de ce bouleversement : une injection massive de réalité brute, des personnages de flics dépouillés de toute dimension héroïque ou chevaleresque, donc volontiers désagréables, grossiers, violents... et une réalisation sur le vif, sur les nerfs, débarrassée de toute pesanteur technique. « Je voulais que la caméra suive tous les déplacements des personnages », dit William Friedkin. « … Je trouvais intéressant que le public soit placé dans une situation inconfortable, qu'il ne soit pas rassuré en quelque sorte par un cadre bien déterminé. Tout cadre doit pouvoir être brisé à n'importe quel moment et emmener ainsi le spectateur n'importe où. »
Adapté des récits de deux flics de la brigade des stups, le film nous conte les tribulations quotidiennes de Jimmy « Popeye » Doyle (Gene Hackman, extraordinaire) et Buddy « Cloudy » Russo (le regretté Roy Scheider, à la hauteur), qui cherchent à remonter la « filière française » acheminant la drogue de Marseille jusqu'à New York. De filatures hasardeuses en planques interminables, d'arrestations brutales en interrogatoires musclés, ils finissent par s'intéresser de près à une boutique de confiserie bidon, dont le soi-disant patron va les mener à deux Français: Alain Charnier, de toute évidence le cerveau du trafic, et Pierre Nicoli, son homme de main...
Dès lors, Popeye Doyle n'a plus qu'une idée en tête : alpaguer Charnier, quitte à dézinguer tout ce qui se dresse sur son chemin vengeur, quitte à risquer sa peau et celle de ses collègues flics, surtout celle des deux abrutis que la hiérarchie lui a mis dans les pattes et qu'il ne peut pas encadrer... Le film nous happe et ne nous lâche pas, nous offrant au passage une scène de poursuite d'anthologie entre la bagnole du flic Hackman et le métro du tueur Bozzufi.