Le Caire Confidentiel

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Le Caire, janvier 2011, quelques jours avant le début de la révolution. Une jeune chanteuse est assassinée dans une chambre d’un des grands hôtels de la ville. Noureddine, inspecteur revêche chargé de l’enquête, réalise au fil de ses investigations que les coupables pourraient bien être liés à la garde rapprochée du président Moubarak.

Vos commentaires et critiques :

Le titre donné par le distributeur français à cet excellent polar entièrement tourné au Caire est tout sauf anodin et particulièrement bien choisi : les amateurs du genre pensent immédiatement à L.A. Confidential de James Elroy et à son adaptation cinématographique très réussie, dont l'intrigue policière était indissociable de la radiographie sans complaisance du Los Angeles rutilant et pourri des années 50, gangrené par la violence, le racisme, l'anti-communisme et la corruption. Ici c'est Le Caire qui est soumis au même détecteur de mensonges, de combines, d'hypocrisies, de comportements mafieux. 
Nous sommes en 2011, peu après la révolution tunisienne de Jasmin qui a vu l'indéboulonnable dictateur Ben Ali chuter face à la détermination de la population, et peu avant ce qu'on appellera plus tard les mobilisations de la place Tahrir, esplanade centrale du Caire où se rassembleront des dizaines de milliers de manifestants qui finiront par obtenir l’abdication du président égyptien Moubarak. Mais on loin d'en être là…
Nourredine est un de ces policiers qui arpentent la nuit les rues survoltées de la mégalopole égyptienne, moins pour protéger les citoyens que pour rançonner petits commerçants et magouilleurs en tous genres à qui lui et ses collègues assurent protection contre rétribution. Car dans l'Egypte de Moubarak, où la police et encore plus la Sécurité nationale sont toutes puissantes, chaque citoyen a intégré la corruption comme un fait normal. Noureddine n'est ni meilleur ni pire que les autres : à quoi bon ne pas profiter de sa position quand tout le système vous y incite, et que personne ne semble devoir vous réfréner ? Il est même probable qu'il n'a pas le choix, c'est le principe de toutes les dictatures et de tous les systèmes mafieux : quand le crime et les abus de pouvoir deviennent la norme, ne pas y participer devient dangereux.
Mais ce soir-là n'est pas comme les autres : on découvre le corps sans vie d'une chanteuse dans une suite du prestigieux Nile Hilton. Une femme de chambre soudanaise désormais introuvable semble avoir été témoin du meurtre. Pour Noureddine et ses collègues, la course contre la montre débute pour trouver la jeune femme en fuite avant que les meurtriers ne la fassent taire définitivement.
L'affaire va se corser quand il s'avère qu'un homme d'affaires proche de l'entourage de Moubarak pourrait être lié au meurtre. Pour une fois, Nourredine décide de ne pas enterrer une affaire délicate pour le régime, pour une fois il choisit de ne pas en profiter pour monnayer son inaction. Pourquoi ? Une soudaine bouffée de conscience professionnelle ? Un réveil politique dans un contexte pré-insurrectionnel ? Les beaux yeux de la troublante Gina, chanteuse tunisienne amie de la victime ? En tout cas il va se retrouver pris dans un dangereux engrenage…
Maitrisant parfaitement les ressorts du polar, Tarek Saleh nous offre avec son inspecteur Noureddine un formidable personnage de anti-héros, qu'il fait se débattre dans un contexte historique, politique, social… superbement décrit. Rien que dans cette scène emblématique où on voit les policiers essayant de contenir les manifestants se retourner sans hésiter contre les snipers de Moubarak qui commencent à tirer sur la foule, on saisit le climat révolutionnaire du moment, on sait que le pays va basculer…
Pas étonnant que ce film remarquable ait remporté la récompense suprême dans deux festivals aussi différents que celui du film indépendant de Sundance (créé par Robert Redford) et celui du film policier de Beaune : Le Caire Confidentiel joue et gagne sur plusieurs tableaux, c'est pour ça qu'il est singulier et passionnant.