Centré sur des personnages de femmes, Un goût de miel est une œuvre à part au sein du Free Cinema. Il y a bien entendu la protagoniste, Jo, un rien garçonne, qui crie son manque d'amour à la face du monde. Et aussi Helen, sa mère, monstre d'égoïsme dont, malgré tout, on comprend qu'elle a dû se battre dans un monde foncièrement sexiste. De manière plus frontale que dans les films du même courant, Tony Richardson aborde des thématiques explosives dans l'Angleterre conservatrice du tout début des années 60 : la quasi prostitution de la mère, femme d'âge mûr, pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille, la frigidité, la grossesse adolescente, la mixité raciale et l'homosexualité. Pourtant, jamais le cinéaste ne donne le sentiment d'être dans l'outrance et la volonté de choquer le spectateur. Il s'attache seulement à retracer, sans apprêt, le parcours de personnages inscrits dans un contexte socio-économique bien particulier. Issues du monde ouvrier, les deux femmes luttent constamment pour leur survie et ne peuvent se permettre de s'embarrasser de convenances sociales. Résultat : elles parlent crû, elles parlent vrai, elles parlent sans détour. Et elles font preuve de moins de préjugés que les bourgeois. En témoigne l'attitude de Jo, d'abord intriguée, puis bienveillante, à l'égard de l'homosexualité de Geoffrey.
Si le film est la libre adaptation d'une pièce de théâtre, Richardson en a évité tous les écueils : Un goût de miel est une authentique œuvre de cinéma. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir l'étrange onirisme qui se dégage du paysage industriel où évoluent les personnages. À ce titre, les adieux de Joe à son marin, qui disparaît progressivement à l'horizon, sont d'une beauté stupéfiante. La jeune Rita Tushingham, qui campe la protagoniste, est épatante avec sa gouaille, sa rage contenue et ses grands yeux qui ne demandent qu'une chose – qu'on l'aime, tout simplement.