L'Effet aquatique -12

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Samir, la quarantaine dégingandée, grutier à Montreuil, tombe raide dingue d’Agathe. Comme elle est maître-nageuse à la piscine Maurice Thorez, il décide, pour s’en approcher, de prendre des leçons de natation avec elle, alors qu’il sait parfaitement nager. Mais son mensonge ne tient pas trois leçons - or Agathe déteste les menteurs! Choisie pour représenter la Seine-Saint-Denis, Agathe s’envole pour l’Islande où se tient le 10ème Congrès International des Maîtres-Nageurs. Morsure d’amour oblige, Samir n’a d’autre choix que de s’envoler à son tour...

Vos commentaires et critiques :

 

QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2016

Le grand vent d'Islande

“Au tout début, Sólveig et Jean-Luc Gaget avaient en tête une série pour la télévision entièrement tournée à la piscine Maurice-Thorez de Montreuil. L’appel du grand large islandais a fait basculer le projet en film de cinéma”, explique Patrick Sobelman d’ Agat films & Cie qui a produit tous les longs métrages de Sólveig Anspach. Même s’il se voit indépendamment des deux films précédents, L’effet aquatique s’inscrit comme le dernier volet d’une trilogie ouverte par Back Soon et poursuivie avec Queen of Montreuil . “Sollicités dès le départ, Jean Labadie (Le Pacte) et Skuli Malmquist (Zik Zak, notre coproducteur islandais), ont immédiatement donné un accord enthousiaste. Skuli a obtenu le support de l’Icelandic Film Center et j’ai trouvé les soutiens d’OCS et Indéfilms en France. L’avance sur recettes a été obtenue après réalisation”. À l’arrivée, le budget total se montait 1,4 M€. “Sólveig n’a jamais eu beaucoup de moyens pour tourner ses films, mais elle ne s’en est jamais plainte, en grande habituée à l’économie du documentaire. ”Lors du décès de Sólveig Anspach dans la nuit du 7 au 8 août 2015, L’effet aquatique était en plein montage image. “La partie ‘Montreuil’ était presque aboutie. En revanche, il restait du travail sur la partie islandaise. Avec Anne Riegel, sa monteuse, Jean-Luc Gaget, son scénariste, Martin Wheeler, le musicien de tous ses films, et Jean Mallet, le monteur son et mixeur, nous avons constitué, Skuli et moi,un groupe de travail uni par l’importance de notre tâche et qui, en cas de désaccord (c’est arrivé une seule fois),a tranché démocratiquement.” Choisi à l’unanimité par l’équipe de la Quinzaine, le film sortira en salle le 29 juin.

 

Deep End

Plus jamais, après avoir découvert cette comédie romantique burlesque et désopilante, vous ne direz avec désinvolture « Désolé, j'ai piscine » pour échapper à une invitation non désirée. Vous emploierez encore moins l'expression « zizi de piscine » (qui désigne le rétrécissement en principe inexorable de l'instrument masculin plongé dans l'eau froide et chlorée) car, vous allez le voir, la piscine ça peut être sacrément bandant !
Croyez en l'expérience de Samir, un quadragénaire plus habitué à l'air qu'à l'eau puisque grutier de son état, qui va trouver l'amour à la piscine Maurice Thorez de Montreuil, en la personne d'Agathe, maître-nageuse, pourtant revêche et mal embouchée de prime abord. Passons sur le fait qu'il est peut-être incongru que Maurice Thorez, leader communiste historique, ait donné son nom à un établissement nautique, mais bon en même temps, on peut se dire qu'il n'y a pas mieux pour abolir la différence de classe que la piscine : une fois tout le monde moulé dans son petit slip de bain, plus de patrons ni d'ouvriers, tout le monde à égalité dans le grand ou le petit bain.
Mais revenons à Samir et Agathe. Samir sait parfaitement nager, mais comme il ne sait comment aborder Agathe, il va s'inscrire aux cours de natation, en prenant soin de trafiquer les plannings pour être sûr de se retrouver avec elle et non avec sa collègue délurée, qui lui fout un peu les jetons. Et si faire semblant d'être un barboteur débutant ne suffit pas, il est prêt à suivre sa naïade jusqu'en Islande, où elle est envoyée pour un congrès de maîtres-nageurs, ce qui va lui permettre de retrouver sa copine Didda, élue municipale un jour sur deux, ce qui lui laisse l'autre pour laisser libre cour à son inspiration de poétesse punk. Une fois sur place, notre Samir va être amené à se faire passer pour le représentant israélien, en charge d'un projet d'une « piscine de la paix » ! Et tout finira probablement dans un lagon de carte postale chauffé par l'énergie volcanique. Tout cela est de la plus haute et de la plus réjouissante fantaisie !
L'Effet aquatique est le troisième volet de la trilogie franco-islandaise de notre chère Sólveig Anspach disparue prématurément avant la fin du montage. Back Soon se déroulait intégralement au pays des trolls et de Björk, Queen of Montreuil était situé tout entier en Seine-Saint-Denis Et on découvrait dans ces deux premiers volets les personnages de Didda, d'Agathe, de Samir. Avec L'Effet aquatique la boucle est bouclée, qui emmène tout son petit monde de Montreuil jusqu'en Islande. Mais sachez bien qu'il n'est pas du tout indispensable d'avoir vu les deux premiers films pour prendre un plaisir fou à celui-ci !
Sólveig Anspach et son complice Jean-Luc Gaget usent à merveille du comique de l'absurde, avec des personnages secondaires savoureux (Philippe Rebbot, hilarant en directeur de piscine et dragueur foireux), et d'une poésie qu'on imagine très scandinave : douce, décalée, romantique. Une belle histoire d'amour funambule, qui nous transporte d'un monde aquatique domestique à un monde aquatique sauvage et grandiose, en jouant subtilement du côté érotique des lieux et des situations (Sólveig Anspach dit avoir été très marquée par le troublant Deep End réalisé par Jerzy Skolimowski en 1970, éducation sensuelle d'un adolescent dans une piscine londonienne), en exaltant surtout la liberté et la générosité de personnages formidablement attachants. Un testament joyeux et frais que nous laisse la réalisatrice… et on espère que de là où elle est, elle nous verra rire et applaudir.