Un 22 juillet est l'histoire de survivants du massacre commis en cette journée de plein été, en 2011, et du meurtrier, ce suprémaciste blanc qui a décidé de passer à l'acte, de réaliser son délire en tuant huit personnes au centre du gouvernement à Oslo avec une bombe, pour ensuite poursuivre son carnage dans l'île d'Utøya, à une quarantaine de kilomètres de la capitale norvégienne, où étaient réunies les jeunesses travaillistes pour leur camp d'été annuel. Dans l'île, où il s'est rendu en se faisant passer pour un policier, il a tué 69 personnes, en vaste majorité des adolescents dont les plus jeunes n'avaient que 14 ans.
En tout, 77 personnes sont mortes et 110 ont été blessées physiquement.
Le film est d'un réalisme dévastateur. Sans être sensationnaliste, il ne cherche aucunement à nous épargner.
La souffrance physique et psychologique est constante. C'est donc douloureux, profondément douloureux, pendant 2 heures 23 minutes.
Si vous avez des enfants de l'âge des victimes, si vous êtes un jour allé, dans votre jeunesse, dans un camp d'été, prêt à refaire le monde et à chanter autour d'un feu de camp, si vous êtes sensible à la xénophobie, si pour vous la politique, notamment l'engagement public et communautaire, est un véhicule valable pour améliorer le monde, si vous choisissez de regarder ce film, préparez-vous à plonger profondément dans la tristesse, dans la laideur du Mal, point final.
Il y a mille thèmes d'affaires publiques qui nous viennent à l'esprit et dont on pourrait discuter après avoir vu ce film.
D'abord, il y a ce délai de sept ans bien court pour les victimes.
Ensuite, on pourrait demander : devait-on nommer l'assassin? On aurait pu le garder anonyme. Pas qu'on se soucie de sa vie privée, bien sûr. Mais pour éviter à tout prix la gloire morbide que ces ordures tirent de la diffusion à vaste échelle de leur geste, aussi pestilentiel et unanimement condamné soit-il.
En terminant le visionnement, on ne peut aussi que se demander si ici, en Amérique, ces événements ne sont pas en train d'être banalisés. En Norvège, ce fut un peu la fin du monde et la fin du monde de tant de gens, la pire tragédie depuis la Seconde Guerre mondiale. Aux États-Unis, selon le site Gun Violence Archive, il y a eu 280 fusillades avec au moins quatre blessés depuis le début de 2018. Peut-être que Netflix devrait mettre la loupe plus souvent sur toutes leurs victimes aussi. Mais la tuerie de 20 enfants à Sandy Hook en 2012 n'a pas permis aux Américains de prendre des mesures concrètes pour limiter le fléau... Et ce n'est pas la situation politique actuelle qui peut aider. Qu'est-ce que ce film peut faire de plus?
Peut-être qu'on y verra la pertinence d'une vraie réflexion, partout, sur cette xénophobie qui est toujours à un cheveu d'un dérapage violent, sur cet autre terrorisme.
Une réflexion sur ce qui nourrit le refus de l'autre, ce qui provoque les gestes, ce qui crée l'impression dans le coeur des suprémacistes qu'ils ont raison et qu'ils sont légitimes, justifiés - un thème au cœur aussi du film BlacKkKlansman de Spike Lee, sorti cet été.
Comment se fait-il que dans nos démocraties, tant de gens n'aient toujours pas compris ce qu'est vraiment l'égalité?
Car ce que Un 22 juillet nous rappelle, c'est qu'on n'a pas besoin de beaucoup de suprémacistes, pas besoin de mouvements politiques organisés, pour sombrer dans le sang. Il suffit d'une seule ordure.
Ce film fait peur. On dirait qu'il veut nous rappeler que l'horreur existe et n'est pas bien loin.