Mademoiselle de Joncquières TP

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Madame de la Pommeraye, jeune veuve retirée du monde, cède à la cour du marquis des Arcis, libertin notoire. Après quelques années d’un bonheur sans faille, elle découvre que le marquis s’est lassé de leur union. Follement amoureuse et terriblement blessée, elle décide de se venger de lui avec la complicité de Mademoiselle de Joncquières et de sa mère…

Vos commentaires et critiques :

Ils lui vont si bien, à Emmanuel Mouret, les mots de Diderot. Ils s’invitent avec une évidence déconcertante dans son univers et se glissent dans son cinéma comme s’ils avaient toujours été là, cachés dans les recoins de ses précédents films, attendant l’instant propice pour se révéler et nous sortir le grand jeu. La passion, la raison, les tourments du cœur, les têtes qu’il fait tourner, les folies qu’il provoque : la voilà la grande histoire, celle qui traverse sa filmographie et habite avec humour et fraîcheur chacun de ses personnages. Ils lui vont si bien, à Emmanuel Mouret, les mots de Diderot, et quel bonheur de voir l’intelligence avec laquelle ses comédiens les font leurs, comme une délicieuse déclaration d’amour à la majesté de la langue française, aux subtilités de sa syntaxe, à la beauté de ses sonorités.
Mais enfin, aussi, quelle modernité ! Les mots du xviiie chantent à nos oreilles avec une incroyable justesse, révélant des personnages féminins au sommet de leur liberté, au premier rang desquels l’époustouflante Madame de la Pommeraye (Cécile de France comme on ne l’a jamais vue), féministe avant l’heure qui ne veut rien moins, par son projet de vengeance, que faire justice à toutes les femmes trahies et blessées.
Mais avant d’être blessée au plus profond de son amour et de sa vanité, Madame de la Pommeraye est une jeune veuve retirée du monde et de ses futilités. Par choix, parce que ses réflexions sur la société des hommes l'a amenée à cette décision radicale. Seule dans sa grande demeure perdue au milieu d’un parc ciselé par un jardinier hors pair, elle profite de la compagnie du Marquis des Arcis, libre penseur, esprit vif autant qu’espiègle et bien connu pour ses nombreuses conquêtes amoureuse. On le dit séducteur effréné, il se dit cœur sincère, naturellement disposé à être séduit. Entre les deux, des heures et des heures de conversation, de ces joutes verbales de très haute voltige qui conjuguent avec délice le charme d’un bon mot, les raisonnements les plus pointus, d’espiègles et subtiles tournures qui sont comme des caresses glissées en douce sous la nappe en dentelle à l’heure du thé. Il lui fait la cour, avec une ardente patience, une douce obstination, elle résiste, longtemps, forte de ses résolutions, puis finit pas céder (comment en effet est-il possible de résister au charme et à la voix d’Edouard Baer ?). Après le temps de la raison, vient donc celui de la passion et puis les fleurs se fanent… C’est bien là l’éternel refrain, la triste destinée des fougueuses relations.
Décidée à se venger de cette tristement banale extinction des feux, Madame de la Pommeraye va le faire avec un talent incendiaire, profitant de la mauvaise situation d’une autre veuve, Madame de Joncquières, et de la beauté irradiante et juvénile de sa fille... 
Ne craignez ni cynisme, ni machiavélisme, Diderot ne manie ni l’un ni l’autre. Il y aura certes un peu de cruauté, un soupçon de désinvolture, beaucoup de manipulations et une juste dose de mensonges… mais l’amour au final, restera toujours le moteur, bienveillant ou fourbe, de toutes ces intrigues. En tout cas, pas une seule fois vous n’allez vous ennuyer dans les dorures des salons ou les allées des parcs fleuris : vous serez emporté par ce tourbillon d’intelligence et de raffinement, stimulé par la grâce des dialogues, exalté par la démesure des sentiments et de leur expression. Les personnages féminins, portés par des comédiennes singulières, chacune avec son style, sa fougue ou sa discrétion, forment un quatuor renversant. Quant à Edouard Baer, son naturel est confondant et il parle la langue du xviiie siècle comme si c’était la sienne… mais d’ailleurs, c’est un peu la sienne.