1974 : c’était le temps de la grande splendeur de la comédie italienne, époque magnifique des Age, Scarpelli, Risi, Comencini, Gassman, Manfredi, Sordi… et une grosse poignée d’autres… Le cinéma italien foisonnait de merveilles : il savait lier drôlerie, émotion, réflexion politique, analyse sociale et grandes histoires d’amour, remplissait les salles d’un public populaire pour qui les professionnels de la profession se décarcassaient afin de pondre des films intelligents. On suivait avec avidité les nouvelles apparitions d’une brochette de comédiens sublimes qui pour la plupart faisaient aussi merveille sur les scènes de théâtre. Ettore Scola était en bonne place parmi les plus aimés, et parmi les plus grands.
Et puis, en Italie comme dans bien d'autres pays (on ne connaît pas notre bonheur en France !), les cinémas nationaux ont rencontré de plus en plus de difficultés à se produire, les compagnies américaines ont écrasé le marché, Berlusconi est arrivé, les télés ont évolué, tirant le goût du public vers des spectacles… que nous dirons moins élégants, moins subtils, moins riches, moins drôles… De ce côté des Alpes, le public a perdu la saveur si typique de ce pays cousin, et les boutades de Berlusconi ont pu tenir lieu d'humour à l’italienne… Misère ! Alors pour ceux qui n’étaient pas encore nés à l’époque, vous avez là l’occasion de découvrir un des grands moments de cet âge d’or, où chaque auteur était stimulé par la vitalité des autres… quand le cinéma italien était effervescent.
Gianni, Nicola, Antonio sont amis, font partie de ceux qui résistent contre le nazisme, mais, la guerre finie, la paix sépare le trio. L’un est brancardier à Rome, l’autre est avocat stagiaire chez un grand du barreau, le troisième s’est marié et enseigne dans une petite ville de province.
Mais dans l’Italie d’après guerre, qui voit la république triompher de la monarchie et les États-Unis peser de tout leur poids économique (prêt de 100 millions de dollars au gouvernement de Gasperi) et idéologique sur la vie du pays, il est difficile de réussir avec des idées de gauche.
Chacun des trois amis va virer de cap : Nicola plante là sa famille pour « monter » à Rome fonder une revue de cinéma ; Gianni épouse la fortune et de mauvaises causes ; Antonio, lui,reste fidèle à ses idées et ne parvient pas davantage à réussir socialement qu’à retenir Luciana, la femme qu’il aime…
Les années passent, les amours comme les amitiés se nouent et se dénouent… Au détour d’une rue, d’une émission de télévision, le temps d’une liaison éphémère, les uns et les autres se retrouvent par à-coups et par hasard. La société n’a pas bougé, la Démocratie Chrétienne est toujours au pouvoir, Luciana se demande comment elle a pu tenter de se suicider par amour… Antonio, qui n’a pas renoncé à se battre, peut-il croire encore à ce « futur différent » pour lequel les trois amis luttaient dans la Résistance ? Il y a quelque chose de bougrement actuel dans ce film qui s’interroge sur le devenir des idéaux de jeunesse…