The Father

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La trajectoire intérieure d’un homme de 80 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans le labyrinthe du grand âge.

Vos commentaires et critiques :

 

Une fois de plus le défi est terrible : comment raconter sans trop en dire ? Chapeau bas en passant à la remarquable bande-annonce du film, qui relève haut la main le défi…
Ne cherchant nullement à cacher son origine théâtrale, l’intrigue se déroule presque exclusivement dans un appartement tiré à quatre épingles, aux boiseries soigneusement cirées. La cage d’escalier qui y monte respire la classe tranquille, le confort cossu. Dans le royaume d’Anthony (le personnage porte le même prénom que son interprète), pas un grain de poussière n’ose se manifester et chaque élément du décor raconte l’aisance d’une existence parvenue à son apogée. Du haut de ses 81 ans, notre homme trône tel un vieux monarque qui se sait sage, peu habitué à ce qu’on lui tienne tête. Un roc, un cap, un phare qui brille et dirige sa vie et sa lignée en chef d’orchestre incontesté. Il a l’intelligence acérée de l’ingénieur qu’il fut : un cerveau de fer sous un sourire de velours, un regard redoutable, d’un bleu changeant, capable de retourner tout son auditoire. Anthony Hopkins excelle dans dans ce rôle taillé sur mesure par Florian Zeller et porte tout du long ce premier film magistral, thriller psychologique déchirant avec pour seul assassin le temps qui passe. Quel ennemi saurait être plus implacable ? À moins qu’une étrange et malaisante machination soit entrée en action ? Car autour d’Anthony, de petits indices s’immiscent, perturbant l’éternelle sérénité de la musique classique qui accompagne ses jours. Le quotidien se trouble, s’émaille de faux semblants, se joue de ses nerfs comme des nôtres. Nous voilà sur le fil du rasoir. Malgré ses airs attentionnés, se pourrait-il que sa fille aînée, Anne (remarquable Olivia Colman), soit en train de manigancer pour s’accaparer l’héritage, et tout particulièrement ce magnifique appartement ? Chercherait-elle à se débarrasser de ce vieux père encombrant ? Et cette façon qu’elle a de vouloir toujours lui flanquer dans les jambes des aides à domiciles, ces parasites inutiles, qui, selon le vieil homme, l’entravent plus qu’elles ne l’épaulent ! Et pourquoi la cadette, sa fille préférée, ne réapparait-elle plus ? Le doute plane, de plus en plus intense, peuplé d’intentions inavouables, tapies dans des replis de conscience, prêtes à fondre sur leurs proies. Le récit se déstructure, nous trimbale dans les méandres des incertitudes sans autre option que de suivre le courant, de s’avouer vaincus comme le personnage principal, comme tous les personnages.
Impossible de résister aux rouages de ce scénario au cordeau, au jeu impeccable des acteurs, tout en tension et en finesse, débordant d’humanité retenue. Ils donnent chair à cet épatant huis-clos intime qui atomise progressivement murs et codes, désarticule méthodiquement l’espace et le temps, pour toucher à l’universel.
La force vulnérable d’Anthony nous émeut, sa dignité pudique nous bouleverse tandis que le piège se referme sur lui et sur son entourage. Il n’y aura pas de retour en arrière pour les secondes mélancoliques que les aiguilles du temps décapitent inexorablement.
C’est beau, c’est dérangeant, c’est bouleversant. C’est la vie… L’insoutenable fragilité de nos existences.