2.5 | 3 | 1.5 | 1.75 |
Gone Girl ou plus nettement Prisoners, beaucoup de films traitant du sujet fort qu’est le kidnapping ont réussi ces dernières années à sortir du lot et à ce faire leur place sur les devantures de nos cinémas. Égyptien de naissance, mais Canadien depuis la plus tendre enfance, c’est donc un nouveau canadien qui, après Denis Villeneuve, s’attaque à ce difficile sujet qu’est la disparition d’un enfant. Sauf que contrairement à son homologue, Atom Egoyan ne souhaite pas émettre de doute dans la tête du spectateur et décide dès les premières minutes de son film, de jouer sur les flash-back pour prouver que la jeune fille est toujours vivante, huit ans après son kidnapping. Finalement, si l’objectif du réalisateur canadien n’est pas de jouer au jeu du chat et de la souris avec le spectateur, quel est son but ? Où souhaite-t-il embarqué le spectateur avec Captives ?
Ryan Reynolds regarde dans le rétroviseur de sa voiture et cherche à y voir sa fille, mais n’y arrive pas, elle n’est plus là. Afin de promouvoir le film sur le sol français, les distributeurs ont décidé d’utiliser une affiche épurée qui prends sa source dans le plan majeur du film, plan qui se déroule durant la séquence clef, celle du kidnapping. Sur cette affiche, on y voit un rétroviseur avec le reflet de Ryan Reynolds qui regarde en arrière, mais au-delà de sa fille, censé être placée à l’arrière du véhicule dont il est le conducteur, ce personnage regarde en arrière, car il n’a pas évolué depuis sa disparition. Ce père de famille est captif depuis la disparition de sa fille et n’a jamais su comment sortir de cette prison. Fort évocatrice, cette image reflète bien la personnalité de ce personnage, mais également l’une des volontés d’Atom Egoyan qui est de faire évoluer simultanément tous les personnages qui gravitent autour de la disparition de Cassandra. Des parents, en passant par la détective chargée d’enquêter sur la disparition de la jeune fille, chaque personnage est captif en son fort intérieur, d’un élément du passé qui le hante toujours. L’idée scénaristique sur laquelle repose le récit de ce long métrage est intéressante, car avec celle-ci, il fait un pied de nez aux films à la concurrence qui préfère jouer au jeu du chat et de la souris dans une atmosphère angoissante et stressante. Néanmoins, même si l’idée est intéressante dans le fond, la forme n’y est pas du tout et Atom Egoyan se retrouve lui-même envenimé par des problèmes scénaristiques comme techniques, qu’il n’avait pas prémédité. Multipliant les arcs narratifs telle une araignée faisant sa toile, le cinéaste canadien rend une copie brouillonne à cause d’une multitude d’arcs narratifs mollement exploités ou tout simplement non exploités, ainsi que de personnages vides de toute caractérisation originale et dont les agissements n’ont rien de naturels. À l’image d’un Canada enneigé dont on ne voit plus qu’une surface lisse et blanche, Captives est un film vide et sans relief, qui n’arrive à aucun moment à mettre en place une atmosphère ou plus simplement, à immerger le spectateur ou dégager une émotion quelconque.
Intéressant dans son fond ainsi que dans son traitement visuel qui essaye tant bien que mal à offrir une symbolique à certains plans en jouant sur la dualité entre l’enfermement et la liberté, tout ce qui et entrepris s’avère finalement totalement vain à cause d’une écriture laborieuse qui ne prend pas le temps de créer une empathie et de donner du relief aux caractères des personnages. Essayant de dépasser toutes conventions hollywoodiennes établies dans ce genre filmographique, Atom Egoyan souhaite aller plus loin en incorporant sa patte en détruisant sa narration par le biais d’un découpage qui va scinder son récit, détruire toute instauration de rythme et usé de flash-back et flash-forward pour perdre intentionnellement le spectateur, lui faire perdre toute notion de temps et en toute logique lui faire prendre conscience qu’il est en face d’un film plus compliqué qu’il n’y paraît. Sauf que la notion de temps est importante dans le cas d’une mise abîme et si le spectateur lâche, ne serait-ce qu’une seconde le fil de l’histoire et ne sait pas où ce placer temporellement parlant, c’est fini. Au bout de dix minutes, Atom Egoyan a avancé dans le temps, puis reculé, avant de revenir au temps initial et a déjà perdu le spectateur. Le long métrage conte l’histoire de personnages qui sont tous et toutes captifs d’un évènement de leur passé dont ils n’ont pu se détacher, mais tellement obnubilé par ses personnages et l’envie de rendre son récit atypique et loin de toutes conventions, le réalisateur à double casquette en oublie le spectateur et le laisse tel un bonhomme de neige, stoïque et ne pouvant rien faire, devant faire face à un chaos cinématographique sur lequel il n’a aucun contrôle. Celui et celle qui tentent tant bien que mal à prendre contrôle de leur personnage respectif en leur injectant une dose de crédibilité par leur gestuelle et interprétation ce nomment Ryan Reynolds et Alexia Fast. Ces acteurs arrivent à contenir leurs émotions et à ne pas sombrer dans la surenchère contrairement à Rosario Dawson, Scott Speedman, Mireille Enos ou encore Kevin Durand dans un rôle de pervers pédophile à la caractérisation qui tiens plus aisément du burlesque que du drame, chose totalement paradoxale, mais pas surprenante au vu du film dans sa globalité. Atom Egoyan ce cherche et cherche à s’ouvrir à l’international au travers d’un film qui peut marquer, qui a le potentiel pour, mais dont le traitement formel relève plus de la tentative maladroite aux émotions insaisissables que de l’œuvre finalisée et prête à l’exploitation.
Atom Egoyan a toujours aimé nous perdre dans la chronologie, nous amener sur les chemins troubles de la culpabilité, nous faire entrevoir les profondeurs du mal. Pourtant son cinéma garde toujours quelque chose de lumineux et de profondément humain. Le croisement des principaux personnages dans un espace restreint mais à différentes époques, la beauté de certaines séquences, l'utilisation de grands espaces enneigés, le suspens font qu'on a plaisir à retrouver le grand Egoyan de Exotica ou De beaux lendemains.